Aller au contenu principal
4

Yonathan Netanyahu (1946 – 1976)

Biographie rédigée par Hélène Jaffiol pour l’édition française de jpost.com

« Je ne veux pas arriver à un certain âge, regarder autour de moi et découvrir, soudain, que je n’ai rien construit ni créé. Je ne veux pas ressembler à certains hommes qui grouillent et volent comme des insectes, ne faisant jamais rien, pris par la ‘routine de leur vie’. Je dois être conscient que ce n’est pas au moment de ma mort que je devrais rendre compte de ma vie. A chaque moment, je dois pouvoir me dire : ‘J’ai fait ceci et aussi cela’. La mort, c’est la seule chose qui me dérange ; elle ne me fait pas peur mais elle m’intrigue… Elle ne m’effraie pas, car je ne donne pas beaucoup de valeur à une vie sans idéal. Et, si je dois sacrifier ma vie pour réaliser cet idéal que je me suis fixé, je le ferai avec joie. » Yoni Netanyahou 17 ans (extrait d’une de ses lettres)

Yoni Netanyahou. Photo : Courtesy, JPost

Une légende écrite en lettres d’or dans le patrimoine israélien. Le grand frère de Bibi a commandé l’opération Entebbe, le raid de l’impossible chargé de libérer une centaine d’otages israéliens en Ouganda. Yoni en est le héros et sa victime la plus emblématique. A travers sa courte vie, les échanges épistolaires de Yoni Netanyahou brossent le portrait d’un homme conscient très tôt de son destin hors du commun.

Le premier acte de la vie de Yoni se joue à l’âge de 17 ans, lorsque le jeune homme du quartier de Talpiot à Jérusalem s’envole en 1963 pour les Etats-Unis avec ses parents, Benzion et Tsila, et ses deux jeunes frères Bibi et Ido. Professeur émérite et rédacteur de l’Encyclopedia Judaica, Benzion entend poursuivre de l’autre côté de l’Atlantique ses recherches sur l’histoire juive.

Parachuté dans un lycée de Pennsylvanie, le « boy from Israël » se sent déraciné. Elève brillant, le jeune Yoni a pourtant le mal du pays : « Je sens que j’appartiens à un monde différent. Il n’y a pas un seul moment ici, même le plus magique, que je n’échangerai pas avec un retour immédiat pour Israël », se confie-t-il dans une lettre à son ami israélien Koshe. Yoni ne se reconnaît pas dans une jeunesse américaine insouciante et superficielle, aux antipodes de celle de son port d’attache, en lutte pour sa survie.

Modèle d’excellence

L’année scolaire terminée, l’aîné des enfants Netanyahou n’a qu’une hâte : rejoindre Jérusalem et les rangs de l’armée. Il se porte rapidement volontaire pour rejoindre les rangs de son unité d’élite, les parachutistes. Loin des siens, Yoni se repose, à travers la plume, dans les bras de sa fiancée Tirza Krasnoselsky, « Tutti ». Une bouffée d’oxygène dans des journées harassantes, où le sommeil est un luxe et où les plaintes sont proscrites : « Durant les cours, nous pouvons à peine garder les yeux ouverts. Nous sommes tous sur le point de nous effondrer », décrit-il dans une de ses lettres. L’aîné de la tribu garde, néanmoins, un œil sur ses frères restés en Amérique, en particulier sur Binyamin, encore au lycée : ce dernier fait un « brillant essai » sur Jefferson, Yoni exige d’en lire une copie ; Bibi cherche un bon livre de physique, Yoni lui indique le meilleur. Sans oublier la leçon de morale fraternelle lorsque Binyamin sort les poings après une insulte antisémite.

En janvier 1967, le soldat est libre de retourner à la vie civile et à son loisir préféré : les mathématiques. Fils modèle, soldat émérite, élève brillant, le personnage de Yoni semble tout droit sorti d’un manuel d’excellence. La Guerre des Six Jours le fait quitter le monde des chiffres et des équations. En juin 1967, son bataillon prend part à la bataille d’Oum Katef dans le Sinaï avant d’être envoyé en renfort dans les hauteurs du Golan. Alors qu’il tente de porter secours à un soldat blessé, l’aîné Netanyahou est touché par une balle qui lui fracture le coude. Opérée à plusieurs reprises, sa main ne se rétablit jamais complètement. Une blessure de guerre qui n’entame pas le moral de Yoni. En août 1967, il épouse son amour de jeunesse « Tutti Frutti », avant de rejoindre les bancs de Harvard. Une pipe à la main, il s’abreuve de philosophie et de mathématique jusqu’à en faire des nuits blanches.

Mais très vite, Yoni est frappé par la même urgence que celle ressentie à l’aube de ses 17 ans en Pennsylvanie : quitter le confort et les dorures de Harvard pour rejoindre son pays en danger permanent. Revenu à Jérusalem, il tente pendant six mois de poursuivre ses études à l’Université hébraïque. Mais l’appel de l’armée résonne de plus en plus fort dans sa tête. En juillet 1969, Yoni remet l’uniforme et rejoint les rangs des unités d’élite « Harouv » et « Sayeret Matkal » où il retrouve ses deux frères.

Commandant de la Sayeret Matkal, le Lieutenant-colonel Yonathan Nethanyahou

Démons intérieurs

Occupé jour et nuit par des opérations tenues secrètes, Yoni Netanyahou connaît durant cette période une série de drames personnels. Fragilisée par plusieurs fausses couches, Tutti ne supporte plus une vie de couple par intermittence. A la fin de l’année 1972, le couple divorce. Yoni n’en oublie pas moins ses obligations militaires.

Durant la Guerre de Kippour, l’aîné du clan Netanyahou fait la preuve de ses talents de « commandant-éducateur » et de son sang-froid inébranlable. Saluées par la médaille du mérite, ces qualités font de lui le candidat idéal pour des missions de sauvetage impossibles. L’assaut d’Entebbe est écrit pour lui. Deux semaines avant la prise d’otages, c’est néanmoins un Yoni, en plein doute, qui écrit à sa nouvelle petite amie Brouria : « Je me trouve à un moment critique de mon existence. J’ai perdu la passion qui est si vitale pour aller de l’avant. » Au carrefour de sa vie, l’homme s’interroge : continuer l’armée ? Reprendre les études ? Il n’aura pas le temps de trouver des réponses.

Le 27 juin 1976, un appareil d’Air France à destination de Tel-Aviv est détourné par des terroristes palestiniens et allemands. Après une escale en Libye, l’avion trouve refuge en Ouganda sous les auspices du dictateur Idi Amin Dada. Les passagers, dont une centaine d’Israéliens, sont conduits sous bonne garde vers le terminal de l’aéroport d’Entebbe. Les heures passent. A plusieurs milliers de kilomètres de son territoire, Israël semble n’avoir aucun recours possible. Le pays devra céder aux terroristes.

L’Etat hébreu entame une partie de cartes serrée : faire semblant de négocier tout en préparant dans l’ombre une opération de sauvetage insensée. Le 3 juillet, quatre avions C-130 Hercules décollent du Sinaï pour rejoindre l’Ouganda.

Le scénario élaboré à la descente de l’avion relève du James Bond : un sosie d’Amin Dada prend place à bord d’une Mercedes appuyée par une Land Rover. Les deux véhicules doivent permettre à Yoni et à ses hommes d’approcher au plus près des otages. Les responsables ougandais de la tour de contrôle sont confondus par le stratagème. Mais quelques détails éveillent la suspicion des gardes sur place : les véhicules ougandais n’ont pas de volant à gauche et les gardes du corps d’Amin Dada ne possèdent pas des Uzis mais des kalachnikovs.

Les Israéliens sont repérés et doivent ouvrir le feu trop tôt. Yonathan Netanyahou est touché à la poitrine. Il succombe alors qu’il est évacué dans le C-130. Malgré la mort du chef de ce commando d’élite et de trois otages durant l’assaut, l’opération de la dernière chance est considérée comme une réussite totale et le « culot israélien » fait la une de tous les journaux. Yoni Netanyahou est élevé au rang d’héros national. La mémoire du combattant de l’ombre est jetée en pleine lumière.

Le raid magistral d’Entebbe porte aujourd’hui son nom : « opération Yonathan ». Son aura dépasse même les frontières israéliennes. Sa seconde patrie, les Etats-Unis, a érigé un monument en son nom à Philadelphie.

Source : http://fr.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1236269372961&pagename=JFrench%2FJPArticle%2FShowFull